Affaire Renault : Briatore, la chute d'une icône du sport-business
Mercredi 16 septembre 2009 s'est terminée (définitivement ?) l'aventure de Flavio Briatore en Formule 1 avec sa "démission" du poste de directeur d'équipe de Renault F1.
Cela faisait près de 20 ans que le flamboyant Italien traînait dans les paddocks, en y impregnant sa marque de fabrique. 20 ans qui ont transformé radicalement la F1, en la faisant passée de l'air des artisans au sport-business. Flavio Briatore en était l'un des icônes les plus évidentes. Retour sur le parcours de ce trublion de la communication.
Des débuts bien loin de la F1
Pour Flavio Briatore, la F1 n'est pas une passion. En tout cas, il n'y est arrivé que par hasard. Né en 1950, il commença sa carrière professionnelle en tant que moniteur de ski et courtier en bourse ! Ce dernier poste lui permet de rencontrer Luciano Benetton, qui lui confie l'implantation de la marque de vêtements Benetton aux Etats-Unis, qui s'avère être une excellente opération pour l'entreprise.
En 1986, Benetton s'offre sa propre écurie de Formule 1 en rachetant l'écurie Toleman. Les premiers résultats ne sont pas des plus impressionnants. Mais à la fin de la saison 1988, Luciano Benetton invite son ami à assister au Grand-Prix d'Australie. Briatore semble s'y ennuyer mais accepte toute fois de devenir le directeur commercial de l'écurie. Il ne tardera pas à en prendre la direction générale en poussant vers la sortie de le directeur en place, Peter Collins.
Des débuts tonitruants
Il ne tardera pas à imposer sa marque sur son écurie et sur son sport en général. Ses premières déclarations seront ainsi sans détour : "Je ne connais rien à la F1. Je suis un marchand de pulls mais je n'ai pas de complexes vis-à-vis de Ron Dennis ou Frank Williams. De toute façon, il y a quelques mois je ne connaissais même pas leurs noms !" Voilà de quoi se faire des amis d'emblée. La rivalité entre ces dirigeants historiques atteindra son paroxysme au milieu des années 1990.
En 1990, il réalise une première belle opération en faisant signer le triple champion du monde Nelson Piquet, qui permet à l'écurie d'être une nouvelle fois 3ème au championnat du monde des constructeurs. Mais c'est en 1991, qu'il réalise son premier véritable coup de maître. Tout d'abord, il commence par recruter l'ingénieur Tom Walkinshaw qui aura l'excellente idée de recruter Ross Brawn, dont tout le génie se dévoielera plus tard. Puis, au Grand-Prix de Belgique cette saison-là, un jeune pilote Allemand fait ses débuts dans la catégorie reine du sport automobile, un certain Michael Schumacher. Même s'il abandonne dès le premier tour, il tape dans l'oeil du flamboyant dirigeant italien. Ce dernier fera alors tout pour l'arracher de Jordan, sa première écurie. Il y parviendra et le fera courir sous les couleurs de Benetton dès la course suivante, à Monza. Mais cette arrivée dans l'équipe ne fait pas que des heureux : en 5 qualifications, il bat 5 fois son illustre coéquipier, Nelson Piquet. Flavio Briatore décide alors de s'en séparer, ce qui permet également d'alléger les finances de l'écurie. Le pilote brésilien en tiendra une très forte rancoeur vis-à-vis de l'Italien, au point d'être à l'origine de sa chute, plus de 18 ans plus tard...
La consécration mondiale
Les bases de la domination de Benetton sont désormais en place. Les résultats commencent alors à sérieusement se concrétiser, avec la première victoire de Schumacher un an jour pour jour après son arrivée en F1. Arrive la saison 1994 où Schumacher apparaît, avec sa Benetton-Ford, comme le plus sérieux rival d'Ayrton Senna et sa Williams-Renault. La mort tragique de ce dernier à Imola priva malheureusement la F1 d'un duel de titans. Mais Flavio Briatore est de moins en moins satisfait des prestations de son moteur Ford et le fait savoir, particulièrement dans la presse. Ainsi lorsque les premières accusations de non conformité (augmentation du débit des pompes à essence, trop faible épaisseur du fond plat) des monoplaces de l'écurie commencent à pleuvoir, le motoriste ne bouge pas le petit doigt pour venir en aide à son écurie leader. L'équipe parviendra néanmoins à remporter le titre pilote, au prix d'un accrochage spectactulaire entre Michael Schumacher et Damon Hill lors du dernier Grand-Prix, en Australie.
Mais en homme d'affaire averti, Flavio Briatore a agi dans l'ombre pour obtenir ce qu'il veut : le moteur Renault qui fait des merveilles avec Williams et qui est une des références de l'époque. Le but est de pouvoir remporter les deux titres, pilotes et constructeurs. Pour ce faire, il n'hésite pas à racheter l'écurie française Ligier, qui dispose d'un contrat avec le motoriste français. Cela lui permet de revendre ce contrat à Benetton ! Le challenge est alors de taille pour Renault : fournir un matériel égal aux deux principaux prétendants au titre de champion du monde ! La confidentialité est alors absolue entre les deux entités dédiées dans l'entreprise. Le résultat final n'en sera plus que brillant puisqu'en 1995, Renault sera seul au monde. Michael Schumacher permet alors à Benetton et donc à Flavio Briatore de remporter les deux titres mondiaux.
Une période de déclin
Mais cette période bénite connaît un terme brutal avec le départ de Michael Schumacher pour Ferrari dès 1996. Persuadé que ce sont ses voitures qui ont permis à l'Allemand d'être champion du monde, l'Italien ne s'en émeut pas plus que ça. Le retour sur terre n'en sera que plus brutal puisque la saison 1996 s'avère être catastrophique puisque l'écurie, même si elle termine 3ème du championnat constructeur, ne parvient pas à remporter la moindre victoire.
Mais cela n'empêche pas Flavio Briatore de continuer à mener ses affaires bon train. Il prend ainsi également des parts dans l'écurie italienne Minardi. Cet investissement ne sera que de courte durée en raison de désaccords avec les autres membres de l'écurie. Il revendra alors ses parts au fondateur de l'écurie, Gabriele Minardi. Dans le même temps, il échoue à revendre Ligier à son ingénieur Tom Walkinshaw. Il parviendra à ses fins en revendant Ligier à Alain Prost en février 1997.
Il se lance également dans une carrière d'agents de pilotes. Il signe ainsi des contrats avec de jeunes pilotes italiens : Giancarlo Fisichella et Jarno Trulli, dont la carrière sera intimement influencée par leur agent. Plus tard, il gérera également la carrière de Mark Webber et d'Heikki Kovalainen. Les deux effectueront leurs débuts en F1 chez Minardi, Fisichella en 1996 et Trulli la saison suivante.
Mais en 1997, les résultats de Benetton sont de plus en plus décevants. Benetton décide alors de se séparer de ses services pour mettre à sa place David Richards. On pense alors que l'éternel Don Juan en a terminé avec la F1.
Ses liens avec Renault
Il n'en sera rien puisqu'il effectuera son retour... dès la saison suivante. En effet, Renault se retire officiellement de la Formule 1 mais décide de maintenir une veille technologique, à travers le nom de Mecachrome, partenaire de long terme du losange. Mais Flavio Briatore propose une vision de plus long terme. En créant la structure Supertec, il commercialisera ainsi le V10 Renault, en 1999 et 2000, à Benetton, Williams mais également Arrows (racheté entre temps par Tom Walkinshaw...) et BAR afin de permettre le retour officiel de Renault en tant que constructeur.
En 2000, Benetton est racheté par Renault mais conserve son nom. Pendant ce temps, Flavio Briatore est nommé directeur général de Renault F1 UK. En 2001, Benetton retrouve donc le moteur Renault officiel. Cette année, Flavio Briatore prouve une nouvelle fois son flair puisqu'il fait signer un nouveau pilote en devenir, Fernando Alonso. Il le place d'abord chez Minardi avant de le ramener dans le giron de l'écurie "mère" en tant que pilote d'essais en 2002, année qui sera marqué par le retour officiel de Renault en tant que constructeur.
Briatore est donc désormais de retour aux affaires. En 2003, il place Fernando Alonso dans le baquet de Renault. Le pilote espagnol monte en puissance au même rythme que son écurie tandis qu'il est secondé par Jarno Trulli (qui est présent depuis 2002). L'empris de Briatore sur l'écurie est alors total puisqu'il est directeur de l'équipe et les deux pilotes sont sous contrat avec lui, ce qui lui permet de recevoir une commission sur le salaire qu'il a lui-même négocié ! De l'art d'être juge et partie !
Mais en voulant changer de manager, Jarno Trulli va s'attirer les foudres de son patron. Celui-ci se servira de son erreur au Grand-Prix de France 2004 (il se fait doubler par Rubens Barrichello dans le dernier virage) pour le renvoyer. S'en suivra une certaine période de crise dans l'écurie, qui ne s'arrangera pas avec le retour de Jacques Villeneuve, préféré au troisième pilote de l'écurie, le Français Franck Montagny.
La reconquête mondiale...
Mais au début de la saison 2005, tout prédispose Renault a être aux avants-postes. La monoplace est performante et Flavio Briatore est parvenu à installer un autre de ses pilotes aux côtés d'Alonso, Giancarlo Fisichella. L'Espagnol prouve tout son talent et permet à l'écurie de remporter les deux titres mondiaux face à la McLaren-Mercedes de Kimi Raikkonen, là où Alain Prost avait échoué en 1983. La saison suivante, Briatore, grâce à son nouveau pilote fétiche, s'offre une nouvelle revanche puisqu'Alonso bat la Ferrari de Michael Schumacher. Avec quatre titres en deux ans, Renault et son flamboyant directeur d'équipe sont au sommet de leur art.
... avant le déclin
Mais comme à la fin de l'année 1995, Flavio Briatore va voir son pilote numéro 1 s'en allait chez un de ses vieux rivaux : Ron Dennis est parvenu à faire signer Fernando Alonso sans l'accord de Flavio Briatore, pourtant l'agent du pilote, chez McLaren-Mercedes dès la saison 2007. Ce sera le début de la fin pour le bouillonnant italien, dont la chute sera précipitée par l'affaire Piquet (voir : Affaire Renault - Piquet : départ de Briatore et Symonds ).
En 2008, il se découvre une nouvelle passion : le football. C'est ainsi qu'il investit dans le club anglais Queen's Park (deuxième division) avec comme associé... Bernie Ecclestone, le grand manitou de la F1 ! Ils furent ensuite rejoint par le richissime Lashmi Mittal, 4ème fortune mondiale. Reste à voir si la réputatation sulfureuse de son associé ne poussera pas à revendre ses parts.
Celui qui aura été un des symboles du sport-business quitte donc la F1 par la petite porte et en s'étant fait de nombreux inimités. A n'en pas douter, sa rivalité avec Max Mosley, dont il avait voulu la démission lors de la révélation des frasques sexuelles en 2007, n'aura pas joué en sa faveur. C'est peut-être pour cela que Renault a voulu se montrer de bonne volonté avant le Conseil mondial extraordinaire de demain. Mais est-ce que ce sera suffisant pour obtenir la clémence d'une instance qui avait infligée 100 millions de dollars d'amende à McLaren-Mercedes dans l'affaire d'espionnage de Ferrari en 2007 ? Rien n'est moins sûr...