Todt n'est pas favorable à une nouvelle baisse des coûts
Dans une interview accordée au journal économique Les Echos, Jean Todt a fait un point sur l'économie de la Formule 1, sujet qui nous est particulièrement sensible chez BusinessF1. Celui qui est président de la FIA a estimé qu'il ne pensait pas opportun de faire de nouveaux efforts dans la réduction des coûts en Formule 1. Il a ainsi déclaré : "Les budgets des plus grandes équipes, qui étaient devenus ridiculement élevés, ont été baissés d'environ 30 % sur un période de trois ans. Pour l'instant, tout le monde semble satisfait. Je ne trouverais pas opportun de faire une action supplémentaire."
Cette déclaration est intéressante de la part de l'ancien directeur général de Ferrari de la grande époque de Ferrari lorsque la Scuderia était l'une des écuries avec l'un des plus grands (si ce n'est le plus grand) des budgets du plateau. Afin d'assouvir sa soif de victoires, aucune dépense n'était trop belle si elle permettait d'obtenir un avantage sur la concurrence. Certaines années, les pilotes de Maranello disposaient ainsi chacun d'un mulet afin de faire face à n'importe quel imprévu en piste. Ils enchaînaient également les essais privés sur l'un des circuits détenus par le cheval cabré.
La réduction des coûts au coeur du problème
Cette période est désormais terminée puisque les mulets ont totalement disparu et les essais privés sont réduits à portion congrue. En ces temps de crise économique mondiale, les écuries ne peuvent plus se permettre de dépenser des fortunes colossales pour gagner le dixième de seconde supplémentaire qui fait la différence. C'est pourquoi Jean Todt affirme que ses quatre priorités pour la Formule 1 sont "la réduction des coûts (pour la F1 mais aussi pour toutes les autres disciplines), l'amélioration du spectacle, la mise en oeuvre de nouvelles technologies et parvenir à des synergies plus fortes entre le sport et la mobilité, en général, pour pouvoir promouvoir la sécurité routière dans le monde."
Mais ces priorités nous semblent peu compatibles entre elles. En effet, pour introduire de nouvelles technologies, il faut que les technologies actuellement présentes en Formule 1 laissent leur place à de nouvelles. Cela induit naturellement des coûts supplémentaires pour que les écuries les implantent dans leurs monoplaces. Ainsi Jean Todt milite pour la généralisation du KERS (le fameux système de récupération de l'énergie cinétique dégagée lors des freinages) dès la saison prochaine. Il avait été poussé par les grands constructeurs qui voulaient ainsi mettre une technologie transposable sur leurs voitures de série. Or il avait été abandonné la saison passée car il présentait plus d'inconvénients (coûts d'implantation, gêne pour une répartition des masses optimale...) qui a conduit la FOTA à décreter une interdiction d'utilisation pour la saison 2010.
Voici un exemple de ce qu'affime le PDG de Renault, Carlos Ghosn, à propos de la voiture électrique dont Renault est l'un des plus grands défenseurs : les citoyens n'attendent pas la voiture électrique comme un produit miracle et ils ne sont pas prêts à payer n'importe quel prix sous pretexte que leur utilisation sera davantage respectueuse pour l'environnement. Ce qu'ils attendent, c'est que le prix d'achat soit au moins équivalent à celui d'un véhicule termique et que leurs déplacements quotidiens leur coûtent le moins cher possible. Il en va de même pour les écuries : si elles ne perçoivent pas un intérêt à adopter une nouvelle technoligie, elles feront tout ce qui est en leur pouvoir pour bloquer son adoption.
Des ruptures technologiques coûteuses
Ainsi Michelin a reçu un accueil très froid de la part des écuries quand il a proposé que les pneumatiques utilisés passent de 13" à 18". Le manufacturier français appuie cette demande sur le fait que cette taille correspondrait davantage à ce qu'il propose sur les véhicules de série, ce qui aurait un intérêt commercial indéniable. Mais cela induit de revoir totalement l'élaboration et la construction des monoplaces, ce qui occasionnerait un surcout important.
De plus, Jean Todt a levé le voile sur la grande tendance actuelle concernant les moteurs à partir de 2013 : "à partir de janvier 2013, il y aura des règlements fondamentalement différents. Notamment au niveau des moteurs, qui tiendront compte de l'évolution de la technologie. On va probablement passer d'un moteur 2,4 litres V8 aspiré à un moteur 1,6 litre, quatre cylindres turbocompressé à injection directe, avec système de récupération au freinage." Cette décision implique que les motoristes vont devoir construire des moteurs totalement nouveaux par rapport à ce qui est utilisé actuellement alors que les coûts dans ce domaine ont été largement maîtrisés depuis l'interdiction de faire des modifications et l'instauration d'un quota de moteurs par saison et par pilote.
Un avenir commercial assuré
Jean Todt est également revenu sur l'avenir commercial de la Formule 1. Depuis 2001, les droits commerciaux ont été cédé à Bernie Ecclestone et au fonds d'investissement CVC pour la somme de 300 millions de dollars. On se demande comment l'affaire pourrait ne pas être rentable pour ces deux partenaires puisque la durée prévue pour l'accord est de 100 ans ! Il y a fort à parier qu'ils seront en mesure de réaliser plus de trois millions de bénéfices par an sur cette période... A l'inverse de la FIFA qui organise elle-même ses compétitions (dont la Coupe du Monde), la FIA n'instaure donc que les réglements sportifs et délègue la mise en place à des promoteurs. C'est ainsi qu'une soixantaine de personnes suffit à gérer l'intégralité des sports automobiles de par le monde.
Avec cette somme d'argent importante, la FIA a créé la FIA Foundation et le FIA Institute, dont les principales actions touchent à la sécurité routière tant dans les sports automobiles que sur les routes. C'est un sujet qui touche particulièrement Jean Todt puisqu'il le considère comme "un des grands fléaux du XXIème siècle avec la malaria et le sida." C'est le sens de la campagne "Make Road Safe" dont on peut voir le logo sur les monoplaces de Formule 1 et sur le safety car. "Je pense aussi que les pilotes de F1 peuvent être d'excellents ambassadeurs en matière de sécurité routière. Dans de nombreux pays, ils ont un impact considérable." Il fait ainsi peut-être référence à Nico Hülkenberg qui est la figure de proue d'une opération menée en Allemagne dans ce sens par l'expert automobile Dekra.