Renault veut être un fournisseur de moteurs et de technologies en F1
Carlos Ghosn, le PDG de Renault, était présent au Grand-Prix du Brésil. Si nous nous doutions que d'importantes annonces seraient réalisées à cette occasion, nous ne pensions pas qu'elles auraient un tel impact sur l'avenir de Renault en Formule 1.
En effet, deux annonces majeures ont eu lieu de la part de partenaires de Renault : l'écurie Red Bull a annoncé qu'elle allait continuer à utiliser les moteurs français pour les deux saisons à venir. Nous avons également eu la confirmation du secret le moins bien gardé du plateau : Lotus Racing sera désormais motorisée par le Losange. Mais c'est bien d'une mutation du rôle de Renault en Formule 1 dont il s'agit.
En effet, actuellement, Renault est présent en tant que constructeur à part entière, via le Renault F1 Team, ainsi qu'en tant que motoriste, pour Red Bull donc. Mais Carlos Ghosn n'a jamais fait mystère qu'il n'était pas un fan inconditionnel de ce sport et que Renault n'y resterait que tant que les résultats seraient à la hauteur des investissements. La crise de l'année passée avait conduit à la cession de 75% de l'écurie au fonds d'investissement Genii Capital. Comme nous le disions à l'époque, l'accord prévu ne laissait rien transparaître quant aux intentions de Renault au-delà de la saison 2010. Avec les déclarations de ce week-end, nous commençons en avoir un aperçu.
Fournisseurs de moteurs et de technologies
Et une fois n'est pas coutume, la réponse vient de la bouche même du PDG, qui a accordé une interview à nos confrères d'Auto Hebdo : "Nous ne sommes pas présents en Formule 1 pour posséder telle ou telle écurie mais nous sommes en Formule 1 pour promouvoir le nom de Renault et promouvoir la technologie de Renault. Ce qui nous paraît important, c’est d’étendre notre rôle en tant que fournisseur de moteurs et de fournisseur de technologies."
Carlos Ghosn met donc clairement en avant l'aspect moteur en première place. Or c'est précisément cet aspect qui est maintenu en France et sous le contrôle direct de Renault, via l'usine de Viry-Châtillon. Le président souhaite que la Formule 1 soit davantage liée aux préoccupations du constructeur automobile, à savoir le développement de technologies davantage respectueuses de l'environnement. Le Losange a ainsi investi près de quatre milliards d'euros dans la voiture électrique, en proposant une gamme complète de véhicules : "Nous avons dit que nous allions rester en tant que motoriste et dans le cadre du développement des châssis sur une écurie. Et nous souhaitons accompagner l’évolution de la F1 vers des moteurs plus respectueux de l’environnement. Nous pensons que c’est un challenge qui va dans le sens de celui de Renault, qui prend une position de premier plan sur le « zéro émission » et les voitures électriques. Donc nous avons fait une adaptation technologique, une modernisation de notre présence en Formule 1."
Se pose donc la question de l'avenir du Renault F1 Team où il est on ne peut plus clair que la marque a des liens directs et importants : "Ce que je peux vous dire, c’est que Renault sera associé à cette équipe, quoi qu’il arrive : associé dans le cadre de la fourniture des moteurs et des châssis, et de la technologie autour du châssis." La stratégie recherchée est donc d'être un prestataire de l'écurie, comme elle peut l'être avec Red Bull et l'écurie détenue par Tony Fernandes. Simplement l'intégration avec le Renault F1 Team est davantage complète puisqu'est prévue une coopération technique sur le châssis également.
Lotus Cars comme partenaire financier pour le Renault F1 Team ?
Nous pourrions donc nous diriger vers une solution à la Virgin Racing : le conglomérat de Richard Branson n'est que le sponsor-titre de l'écurie mais il ne la détient pas. Il s'agit toujours de l'écurie Manor Grand-Prix. La solution pour Renault serait donc de s'associer avec un partenaire financier (au-delà de l'accord avec Genii) pour l'intégrer dans le nom de l'écurie.
Un nom se murmure de plus en plus dans les coulisses pour occuper ce rôle de partenaire stratégique : Lotus Cars. C'est là que les choses commencent à se compliquer singulièrement. En effet, Lotus Cars est actuellement en pleine bataille judiciaire avec l'écurie qui porte cette saison le nom de Lotus Racing, détenue par Tony Fernandes. Ce dernier estime avoir acquis les droits sur le nom Team Lotus (le nom originel de l'écurie), ce que conteste vigoureusement le constructeur automobile. Tony Fernandes pourrait donc perdre le droit d'utiliser le nom Lotus et pourrait se tourner vers d'autres appellations commerciales : 1Malaysia Racing Team ou AirAsia F1. Cette dernière appellation serait cohérente avec la décision qui a été prise d'inscrire une écurie en GP2 sous ce nom tandis que la première constitue l'appellation de l'écurie avant l'accord de licence signé l'an passé avec Lotus Cars.
Or Lotus Car a de nouveau décidé d'investir massivement dans les sports automobiles sous sa propre appellation. Le constructeur anglais détenu par Proton a ainsi passé un accord avec l'écurie française ART Grand-Prix pour participer aux championnats de GP2 et de GP3. Il dispose également de sa propre écurie aux Etats-Unis dans le championnat de monoplaces, l'IndyCar. La dernière marche pourrait donc être la Formule 1, via un accord avec le Renault F1 Team.
L'accord pourrait être de renommer (en échange d'une contribution qui pourrait atteindre 60 millions d'euros sur trois ans) ce dernier en Lotus Renault puisque Lotus deviendrait le sponsor-titre de l'écurie. Afin de réaliser un coup marketing et médiatique, les nouvelles couleurs de l'écurie pourraient être le noir avec des touches dorées afin de rappeler les mythiques couleurs des Lotus Renault des années 1980 quand JPS était le sponsor principal lors de la présence d'Ayrton Senna.
Bien entendu, ces dernières hypothèses n'ont pas été confirmées par Carlos Ghosn : "Derrière cela, il peut y avoir des accords financiers, des accords de marketing en fonction de nos propres intérêts. Il peut y avoir des évolutions mais, pour le moment, il n’y a rien. Ce que je peux vous dire, c’est que nous allons être, de plus en plus, fournisseurs de technologie à beaucoup d’écuries qui sont impliquées en Formule 1."
Néanmoins, il est intéressant de noter que le dirigeant mentionne clairement le nom de l'écurie Red Bull, qui vient d'être sacrée championne du monde en étant motorisée par Renault. Par contre, il se borne à mentionner "l'écurie malaisienne", signe que cette écurie pourrait ne pas porter le nom de Team Lotus la saison prochaine. D'ailleurs, dans l'annonce qu'elle a faite de son accord avec Renault, Lotus Racing n'a jamais mentionné son nom actuel ou futur, se bornant à parler de "notre écurie".
A n'en pas douter les prochaines semaines vont fourmiller de déclarations dans tous les sens mais il est peu probable que le statu quo soit de mise pour très longtemps encore. Le Grand-Prix n'aurait ainsi servi que de détonateur à un vaste jeu de chaises musicales aux intérêts financiers très importants.