Renault reste mais vend
Renault a tranché : le constructeur français ne va pas imiter Honda, BMW et Toyota qui ont décidé de quitter la F1 dans lors des 12 derniers mois. Mais le Losange ne va pas non plus rester sous la même forme que dans le passé.
Bernard Rey, qui préside aux destinées du Renault F1 Team, a ainsi déclaré : "La réponse de la maison-mère (...) étant donné les difficultés économiques a été : on n'a pas les moyens de financer une écurie entière. Alors on a commencé à plancher sur des solutions alternatives".
Une solution intermédiaire a ainsi été trouvé : le nom Renault restera le nom de l'équipe en 2010 mais 75% de l'usine d'Enstone, qui produit les châssis, seront vendus d'ici au 4 janvier 2010 à la société d'investissements Genii Capital. Cette entreprise luxembourgeoise est spécialisée dans les nouvelles technologies, la gestion d’image et le sport automobile. L'accord permettra à Renault, qui conserve l'intégralité de l'usine de Viry-Chatillon, de diviser par deux son investissement annuel.
Renault ne voulait pas se passer des énormes retombées médiatiques de la présence en F1 (troisième sport le plus médiatisé au monde) mais, dans le même temps, ne pouvait plus en supporter seul les énormes investissements. Ainsi le budget annuel de l'écurie est de près de 300 millions d'euros, dont un investissement net de 100 à 150 millions pour le constructeur. Alors que ses cadres sont encore aux 4/5 et que l'entreprise a enregistré une perte de 2,7 milliards d'euros sur le seul premier trimestre 2009, il n'était pas possible de continuer à dépenser de telles sommes, surtout après avoir été si durement touché par le scandale du Crashgate de Singapour 2008. L'accident volontaire de Nelsinho Piquet avait provoqué le départ anticipé de deux sponsors importants, à commencer par ING qui était le sponsor-titre de l'écurie.
On peut se demander si cet accord n'a pas été signé il y a quelques semaines déjà puisque Gérard Lopez possède également des parts dans l'entreprise Gravity, spécialisée dans le management des contrats de pilote. Or cette société gère le contrat de Ho-Pin Tung, qui a été ajouté à la dernière minute aux essais pour jeunes pilotes qui se sont déroulés il y a quelques semaines. Le jeune Chinois pourrait attirer des sponsors de l'Empire du Milieu, pays où Renault essaye de développer ses ventes de voitures de série. Il pourrait donc devenir le second pilote de l'écurie.
Un départ à la fin de la saison 2010 ?
Mais si cette annonce peut rejouir les nombreux fans de l'écurie, elle ne répond pas toutes les questions liées à l'avenir de Renault en F1. En effet, rien n'est précisé pour l'après-2010. Ce qui semblerait plutôt logique, c'est que l'année 2010 va servir d'année de transition. Si Renault avait quitté définitivement la F1 dès 2010 en vendant toute l'écurie à Lopez, elle n'aurait pas pu en tirer le même prix que celui fixé pour l'opération annoncée aujourd'hui. En effet, dans un tel cas de figure, l'écurie aurait été considéré comme étant une nouvelle écurie et n'aurait pu toucher les retombées TV liées à la saison 2009. C'est ce qui arrive à Sauber puisque BMW n'avait pas signé les Accords Concorde en juillet.
Ce qu'on peut donc raisonablement imaginé est que le départ de Renault se fera en deux temps : la première étape est de garder qu'une part minoritaire de l'usine d'Enstone, qui est issu du rachat des infrastructures de Benetton, avant de se retirer tototalement en tant qu'écurie en 2011. L'ancienne Régie pourrait cependant conserver son rôle de motoriste, à partir de son usine de Viry-Châtillon au-delà de 2010.
Prost aux commandes ?
Genii pourrait laisser Renault décider du nom du directeur d'écurie pour 2010. Il parait peu probable que Bob Bell conserve ce rôle qu'il occupe depuis le licenciement de Flavio Briatore, en septembre dernier. Un nom qui revient de plus en plus souvent est celui d'Alain Prost. Le Professeur est, en effet, très lié à la marque au Losange : il a remporté son quatrième titre de champion du monde au volant d'une Williams-Renault en 1993 et participe actuellement au Trophée Andros à bord d'une Dacia (marque appartenant à Renault) électrique. Il dispose également d'une première expérience de management d'écurie, même si elle ne fut pas des plus fructueuses puisque Prost GP dut déposer les armes fin 2001, après quatre saisons en F1. La venue d'un tel nom permettrait d'attirer de nouveaux partenaires financiers souhaitant associer leur marque à un tel palmarès.
Départ de Robert Kubica ?
Mais pour attirer des partenaires, il faut plus qu'un manager avec un nom prestigieux. Il faut également des pilotes capables de faire rever les foules et donc capables de remporter des courses. Renault avait réussi une très belle opération en faisant signer très tôt un contrat à Robert Kubica pour palier le départ de Fernando Alonso vers la Scuderia Ferrari.
Néanmoins, il se pourrait que cette signature ne se concrétise finalement pas. En effet, son manager Danielli Morelli a annoncé : "C’est une réaction positive, mais nous avons demandé un complément d’information. Nous souhaitons en savoir plus sur Genii Capital et savoir qui fait quoi." L'Italien ne veut pas que son protégé polonais ne soit lié à une écurie en perte de vitesses, incapable de satisfaire sa soif de victoires. Il craint que les hésitations des semaines (voire mois) passés n'ait entraîné un retard dans le développement de la voiture pour 2010.
Cela d'autant plus qu'un baquet est toujours disponible au sein de l'écurie championne du monde en titre, Mercedes GP. Même si on évoque de plus en plus, un éventuel retour de Michael Schumacher, rien n'est encore fait. Kubica peut donc encore faire pression sur son employeur actuel en évoquant un éventuel départ. Son agent a ainsi estimé qu'il n'était pas "automatique" que son pilote soit au sein de l'écurie en 2010 étant donné que la structure capitaliste de l'écurie a évolué avec l'annonce d'aujourd'hui. Il a néanmoins rappelé l'investissement réalisé au sein de McLaren par le Saoudien Mansour Ojjeh dans les années 1980 : "Je me rappelle quand McLaren était une "équipe-garage" et avec l'arrivée de Mansour Ojjeh, ils sont devenus un top team".
Si Kubica venait à faire défaut à Renault, la situation serait des plus compliquées pour l'écurie française. En effet, quasiment tous les pilotes capables de remporter des victoires sont déjà pris, à commencer par Kimi Raikkonen qui est parti chez le rival français Citroen en WRC. Il faudrait alors se rabattre sur des seconds couteaux, ce qui ferait tout de même désordre pour un constructeur à l'envergure mondiale comme Renault. Dans ces conditions, une poursuite au-delà de 2010 paraît exclue...
Nouvel échec de David Richards
Par ailleurs, la victoire de Lopez est également synonyme de nouvelle défaite pour David Richards. Richards, via sa société Prodrive, avait déjà tenté un retour il y a deux ans en tant qu'écurie McLaren-bis avant d'être rejeté en juin dernier par la FIA, malgré l'apparition de quatre nouvelles écuries.