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Paul Hembery nous explique la stratégie de Pirelli
Publié le
par Matthieu Piccon
BusinessF1, présent dans le paddock de Budapest grâce à son partenariat avec Fan-F1, est allé à la rencontre de Paul Hembery, le directeur des sports automobiles chez Pirelli, le manufacturier unique de pneumatiques pour la F1, le GP2 et le GP3...
Nous sommes arrivés au point où notre présence en F1 a une influence sur le consommateur, celui qui installe les pneumatiques sur sa voiture.
Paul Hembery
Pirelli est présent dans de nombreuses catégories de sports automobiles, notamment la F1, le GP2 et le GP3. Vous avez fait votre arrivée en F1 il y a un an et demi maintenant. Avez-vous déjà fait des études pour étudier l'impact de la F1 sur votre image d'entreprise dans le monde ?
« Un an et demi, c'est très court comme processus pour avoir une image complète de l'impact. Mais nous avons déjà remarqué une forte hausse de notre image de marque dans les pays émergents en général et en Asie en particulier, ce qui est particulièrement important pour nous. La reconnaissance de notre marque s'est grandement améliorée. Nous sommes arrivés au point où notre présence en F1 a une influence sur le consommateur, celui qui installe les pneumatiques sur sa voiture. Evidemment, nous avons mesuré l'impact médiatique, l'équivalence publicitaire qu'il aurait fallu investir pour avoir les mêmes retombées et exposition médiatique. Bien entendu, nous ne communiquerons pas le retour sur investissement mais ce que je peux dire, c'est qu'il est très bon. On voit que ça marche. Nous estimons à l'heure actuelle que cela présente un bon équilibre entre les investissements et les retombées. »
Au sein du groupe Pirelli dans son ensemble, est-ce que votre division a pour objectif d'être rentable ou l'objectif est-il de ne simplement pas avoir d'impact négatif sur la profitabilité du groupe ?
« Il est impossible d'être en Formule Un et de faire de l'argent grâce à ça parce que vous avez tous les investissements et la présence autour des circuits. Mais ce que nous avons fait est que nous avons arrêté certains autres projets marketing et avons reporté ce budget sur notre présence dans les sports automobiles. Donc être en Formule Un n'a pas eu d'impact sur le budget global de l'entreprise puisque nous n'utilisons que des budgets qui étaient déjà présents. Il était important pour nouer d'allouer de manière différente des ressources déjà existantes. Cela étant dit, nous avons d'autres participations dans les sports automobiles où nous essayons de faire de l'argent ou au moins de ne pas en perdre. Nous voyons les sports automobiles comme un exercice important pour notre image de marque parce que cela représente très bien ce que nous faisons : nous fabriquons des pneumatiques pour des voitures de hautes performances. Si d'autres marques ont décidé de se retirer des sports automobiles et de promouvoir leur marque de manière différente, nous avons décidé d'augmenter notre présence. Nous sommes présents dans les sports automobiles depuis plus de cent ans. Les gens veulent suivre ce qui se passe dans les sports automobiles. Donc tant que ce sera le cas, nous serons présents.»
Est-ce que vous vous servez de votre présence en Formule 1 pour nouer des relations Business-to-Business avec des acheteurs intermédiaires, ceux qui choisissent de monter vos pneumatiques en première monte lorsque les voitures sortent de l'usine ?
«Cela en est au tout début mais il s'agit de deux activités différentes au sein de notre groupe. Nous fournissons déjà un grand nombre de Ferrari, nous équipons l'ensemble des McLaren, Mercedes est un partenaire extraordinaire pour nous... Mais ce n'est parce que nous sommes en F1 que nous équipons tous ces constructeurs. Evidemment, cela serait l'idéal pour nous. Nous aimerions pouvoir avoir des synergies entre ces deux aspects. Mais malheureusement, dans la réalité, cela ne se passe pas comme ça. En fait, au sein des constructeurs automobiles, ce sont les ingénieurs qui décident quels pneumatiques doivent être montés sur la voiture parce qu'ils veulent ce qui fonctionne le mieux pour le comportement de la voiture. C'est là où nous avons la "chance", d'avoir des produits qui répondent à ce que nos clients souhaitent avoir sur leurs voitures. Ils nous choisissent pour la qualité de nos produits et pas à cause de notre implication en F1.»
Pour nous, c'est une grosse opportunité d'avoir tous ces pilotes à notre service. La preuve, nous les avons presque tous fait revenir en Formule 1.
Paul Hembery
Depuis votre retour en Formule 1, vous avez eu de nombreux pilotes d'essais : Nick Heidfeld, Pedro de la Rosa, Romain Grosjean. Maintenant vous avez Jaime Alguersuari. Est-ce que toute cette diversité de pilotes a été un avantage ou un handicap pour vous dans le développement de vos pneumatiques ?
« L'objectif était avant tout d'avoir des pilotes très talentueux, avec beaucoup d'expérience. Pour nous, c'est une grosse opportunité d'avoir tous ces pilotes à notre service. La preuve, nous les avons presque tous fait revenir en Formule 1. Je suis convaincu que Jaime Alguersuari sera en Formule 1 la saison prochaine. Cela signifie donc que nous sommes probablement la meilleure équipe pour faire monter des pilotes en F1 puisque notre taux de succès a été plutôt élevé. Peut-être que nous devrions la vendre pour quelques millions. Comme cela, on pourrait créer une autre équipe et faire de nouveaux essais et donc créer un cercle vertueux pour nous ! Vraiment, c'est une opportunité pour nous d'être à leur contact comme ça. Nous avons pris Jaime Alguersuari car il avait déjà beaucoup d'expérience. Nous voulons être là également pour aider le sport. Je suis certain qu'il va énormément bénéficier de notre collaboration car il comprendra beaucoup mieux la gestion des pneumatiques et il sera donc plus fort pour faire son retour en F1.»
Qu'est-ce que vous pensez de Martin Whitmarsh qui a déclaré en conférence de presse vendredi que le championnat était délicat à prédire parce qu'il est dominé par les pneumatiques ? Est-ce une bonne chose pour vous que les équipes aient du mal à comprendre vos pneumatiques ?
« Eh bien, à la fin de la saison dernière, Martin nous a demandé de lui donner un challenge avec nos pneumatiques. Nous ne faisons donc que répondre à sa demande ! Au bout du compte, c'est pareil pour tout le monde. Je pense qu'il doit avoir un avis différent maintenant que Lewis est en pole avec une demi-seconde d'avance ! Il semblerait donc qu'ils aient compris comment nos pneumatiques fonctionnent. Le championnat dominé par les pneumatiques ? Non, je ne pense pas. Il est dominé par les pilotes et les ingénieurs. Oui, nous posons un challenge mais, au bout du compte, les meilleurs pilotes et ingénieurs gagneront. »
En fait, ils étaient peut-être trop bons à l'heure actuelle, ce qui fait que c'était un peu trop simple pour les pilotes et les équipes.
Paul Hembery
Si on s'éloigne un peu de la F1 et regardons ce que Pirelli fait en GP2 et GP3, on peut voir que vous avez introduit un train de pneumatiques supplémentaire à partir de Silverstone. Cela n'a pas trop servi là-bas et en Allemagne à cause de la météo mais quelle était la raison derrière ce choix ?
« Oh oui, la météo a été catastrophique. En gros, nous avons apporté ce nouveau train car nous avions le sentiment que les stratégies des équipes étaient un peu compromises de par le manque de trains de pneumatiques. L'objectif était de donner un peu plus de flexibilité aux équipes. »
Le GP3 est actuellement en train de travailler sur une nouvelle monoplace pour 2013. Pensez-vous adapter ce que vous avez fait en GP2 pour l'appliquer au GP3 également afin de préparer au plus tôt les pilotes à gérer leurs pneumatiques ?
« Oui, nous y pensons. Je pense que les voitures actuelles sont suréquipées en pneumatiques. Ils sont trop gros et performants pour le package complet de la voiture. En fait, ils étaient peut-être trop bons à l'heure actuelle, ce qui fait que c'était un peu trop simple pour les pilotes et les équipes. Nous allons donc devoir créer un peu plus de difficultés pour eux, qu'ils aient un plus gros challenge dans la gestion de leurs pneumatiques. Cela passe probablement par l'adaptation de ce que nous avons fait en GP2. »
En début de saison, vous avez annoncé que vous soutiendriez financièrement le champion GP3 s'il décidait de monter en GP2. Est-ce quelque chose que vous voulez continuer à faire dans le futur ?
« Oui, il y a un prix pour cela. C'est un gros pas à faire de passer du GP3 au GP2, d'un point de vue des budgets. Nous essayons donc toujours de soutenir le sport et les pilotes. Evidemment, nous avons également des limites quant au budget qu'on peut attribuer mais nous faisons de notre mieux. »