La F1 provoque un conflit diplomatique entre la Bulgarie et Abu Dhabi

Publié le par Matthieu Piccon

Toyota---Abu-Dhabi.jpgAu fil des années, la Formule 1 s'est implantée sur tous les continents (même si elle n'a jamais été très présente en Afrique) et est devenue une source de médiatisation appréciée par les pays émergents. Les dragons sud-asiatiques ont lancé la mode à la fin des années 1990 avant que les pétrodollars du Golfe n'arrivent à partir de 2004.

Mais il semblerait que les fortunes pharaoniques présentes dans les différents émirats et royaumes de cette région ne fassent tourner bien des têtes. C'est ainsi que la F1 est au coeur d'une discorde diplomatique importante entre la Bulgarie et Abu Dhabi.

La semaine dernière, un accord était annoncé en grande pompe : le gouvernement bulgare allait permettre la construction d'un circuit de Formule 1 sur l’aérodrome de Dobroslavtsi, situé à 15 km de la capitale Sofia tandis que Abu Dhabi, via Emirates Associated Business Group (EABG), prenait à sa charge le coût financier de la construction à proprement dite. L'accord avait été signé par le ministre bulgare de l'Economie Traicho Traikov et par le président d'EABG, Mohammed Abdul Jalil al Blouki.

L'ennui est que les représentants d'EABG ont été en désaccord avec... le communiqué de presse rendu public par le ministère de l'Economie bulgare. Celui indiquait que M. al Blouki était un cheikh (à savoir un membre de la famille régnante) et qu'EABG était détenue par l'Emirat d'Abu Dhabi, ce qui s'est révélé être faux. Cela a conduit Anwar Badwan, présenté comme un conseiller d'EABG, à se rendre en personne à Sofia pour solder les malentendus entre les deux parties.

A son arrivée, il aurait reçu deux emails d'un dénommé Alex Tsakov. Le premier lui indiquant de verser 94 millions de dollars pour résoudre le malentendu et le second le menaçant personnellement ainsi que sa famille. Après enquete de la part du Principal Directorat pour la lutte contre le crime organisé, il s'est avéré que les e-mails ont été envoyés par deux expatriés bulgares vivant aux Etats-Unis. La réaction du gouvernement bulgare est alors quelque peu étrange : au lieu de s'indigner que de telles pratiques puissent exister parmi ses compatriotes, le ministre de l'Intérieur bulgare, Tsvetan Tsvetanov, a préféré prendre ces emails sur le ton de la plaisenterie : "Ils ont certainement dû faire cela pour s'amuser parce qu'ils sont jeunes, bien éduqués et fans de Formule 1. Nous espérons pouvoir les contacter en coopération avec nos partenaires à l'étranger en début de semaine." Les données ont tout de même été transmises au FBI pour poursuivre l'enquête.

Cela a conduit à la colère de Rumen Petkovdu, le prédecesseur de M. Tsvetanov et l'un des principaux soutiens au projet de circuit de Formule 1 en Bulgarie : "Lorsqu'il y a un chantage à si grande échelle et que nous déclarons qu'il s'agit d'une plaisenterie, nous en tant qu'Etat nous devons être au courant des conséquences. Si nous disons : "Oubliez tout ça, il s'agissait de joyeux lurons", nous envoyons le mauvais message aux maitres-chanteurs. Nous leur disons qu'ils peuvent demander des rançons. Et maintenant tous nos investisseurs potentiels savent qu'ils peuvent être victimes de "plaisenteries". Nous devons avoir des standards communs, des critères communs. Sinon nous ne sommes pas un Etat."

Après une telle escalade, il est peu probable que beaucoup d'investisseurs d'Abu Dhabi, voire de tout le monde arabe ne se bousculent pour investir en Bulgarie. Ce qui devait être un moyen de booster la notoriété et l'image du pays s'est transformé en véritable catastrophe médiatique pour un pays souffrant d'une image de forte corruption et de crime organisé impuni.

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