De nouvelles interrogations autour du Grand-Prix de Bahrain
Un an plus tard, la situation est toujours la même et la même question est posée : le Grand-Prix de Bahrain aura-t-il lieu ? A deux semaines de l'événement, les langues commencent à se délier. Ainsi Damon Hill et un team principal viennent de déclarer qu'ils estimaient que l'épreuve ne devrait pas avoir lieu. La décision devrait être prise en Chine, où sera présent Jean Todt.
Depuis des mois, la politique de la langue de bois était la plus répandue. Bernie Ecclestone assurait interview après interview que tout allait dans le meilleur des mondes et que la course aurait lieu sans aucun souci. De son côté, la FIA assure que les autorités locales lui ont assuré que toutes les conditions de sécurité étaient réunies. Quant aux organisateurs, ils lançaient leur campagne de communication sous le slogan "Uni1ed - One nation celebrated".
Mais maintenant que l'on arrive dans la dernière ligne droite, le doute semble commencer à faire son chemin dans l'esprit des principaux responsables. Le premier à sortir de son silence a été Damon Hill, le champion 1996 et ancien président du BRDC (le propriétaire de Silverstone).
Pourtant, il s'était déclaré en faveur de la ténue de l'événement à la suite d'une visite sur place en fin d'année 2011 : "L'opinion que j'ai donné en revenant de ma visite l'an passé était fondée sur ma compréhension de plusieurs facteurs : l'impact économique substantiel du Grand-Prox pour Bahrain, le rapport sur les émeutes d'avril condamnait la police et les forces de sécurité et les deux parties devaient mettre un dialogue significatif pour résoudre les problèmes de manière pacifique. Dans ces conditions, on pouvait imaginer que le Grand-Prix serait une grande aide pour Bahrain sur le chemin de la réconciliation. Cependant, à trois semaines de l'événement, la situation ne semble pas s'être améliorée, si l'on en croit les journaux européens, les médias sociaux et Al Jazeera."
Il en appelle donc directement à la FIA pour qu'elle évalue soigneusement l'impact que pourrait avoir le maintien de l'épreuve au calendrier 2012 : "Promouvoir la course comme permettant d'unifier Bahrain, même si c'est une ambition louable, peut élever la F1 au-delà de ses pouvoirs prodigieux. Je dis seulement que nous devons réfléchir soigneusement. J'espère que la FIA considère l'ensemble des implications et que les événements à Bahrain ne sont pas tels qu'ils nous sont vendus (à savoir une bande de voyous qui jettent des cocktails Molotov) parce qu'il s'agit d'une simplification grossière. S'ils croient ça, ils devrait être inquiets. 100.000 personnes ne risquent pas leur vie pour rien."
Mais un team principal, qui souhaite garder à l'anonymat, a déclaré au Guardian qu'il souhaitait vivement que la FIA annule la course : "Je suis très mal à l'aise d'aller à Bahrain. Pour être tout à fait franc, le seul moyen d'avoir une course sans aucun incident serait un vérouillage militaire complet. Je pense que ça serait inacceptable tant pour la F1 que pour Bahrain. Mais je ne vois pas comment ils peuvent faire autrement. Nous espérons tous que la FIA va l'annuler. D'un point de vue purement légal, en termes d'assurance et de conseils du gouvernement, nous pouvons y aller. Mais nous sommes inquiets de voir qu'il y a des incidents tous les jours."
En effet, les équipes peuvent s'inquiéter de voir fleurir les déclarations appellant au boycott de la course au sein de la population bahrainie ainsi que des vidéos montrant des hommes en combinaison et casques aux couleurs des écuries avec des armes factices à la main, symobolisant le fait que la F1 serait utiliser par le pouvoir central comme outil de répression. La Coalition de la jeunesse du 14 février (date du début de la révolte l'an passé) a ainsi diffusé le message suivant : "Nous conseillons et recommandons à ceux qui participent à ce tournoi de ne pas être arrogants. Il est de notre devoir d'humanitaires d'annoncer notre rejet de toute réaction violente. Si les organisateurs insistent avec la Formule 1, cela pourrait provoquer des sentiments de colère au sein du peuple bahraini. Par conséquent, les manifestants rangeront les participants, les observateurs, les régulateurs et les sponsors dans le système sanglant et criminel des Khalifa (NDLR : la famille royale bahrainie) et seront donc responsables du sang du peuple bahraini versé."
Dans ces conditions, les écuries prennent leurs dispositions pour assurer leur personnel : "Nous avons beaucoup de monde. Notre première et principale préoccupation doit être nos employés et leurs familles. C'est ce qui nous inquiète le plus, même si nous n'en avons rien dit. Il me semble que même s'il y a eu quelques progrès politiques à Bahrain, ils ne sont pas encore tout à fait prêts. Le mieux serait de repousser l'événement à plus tard dans l'année ou même de l'annuler. Mais cette décision doit être prise par la FIA, la FOM et le détenteur des droits commerciaux. Je n'ai jamais anticipé qu'une décision serait prise avant la semaine précédent la Chine. Je crois que Jean Todt sera en Chine, ce qui est intéressant."
Maintenant que les équipes commencent à parler à la presse (même de manière anonyme), la pression sur les autorités de la FIA ne va faire que s'amplifier dans les jours à venir. Les intérêts sécuritaires de l'ensemble du personnel lié à la F1 (employés des écuries mais aussi journalistes et spectateurs) pourraient alors l'emporter sur les intérêts commerciaux, comme cela avait été le cas l'an passé.