Christian Klien lance le débat sur la nationalité des pilotes en F1
Au début du mois, Nicolas Todt regrettait le rôle accru des pilotes payants pour trouver un baquet en Formule 1. Aujourd'hui, Christian Klien apporte sa pierre à l'édifice en déclarant qu'il est devenu plus difficile pour les pilotes européens de faire leur place en F1.
Pour défendre son argumentation, le pilote autrichien s'appuie sur le cas récent de Nico Hülkenberg, qui a perdu son baquet chez Williams malgré de bons résultats : "Le cas de Nico Hülkenberg montre qu'il n'y a aucune garantie. Il a fait une très bonne première saison avec une pole-position au Brésil mais il est dehors." Il éclaire ensuite son propre cas personnel : "Dans mon cas, j'ai plusieurs options. La plus évidente est bien entendu HRT, qui est sur le point de s'établir en tant que compétiteur sérieux, même s'il y a des hauts et des bas au fil du temps. En février, il n'y avait quasiment pas d'équipe et je n'aurais pas cru que j'allais participer à trois Grand-Prix cette année."
Etre Européen n'est plus un avantage
Mais pour lui, ses difficultés sont davantage liées à sa nationalité qu'à son talent (qu'il ne va forcément pas sous-estimer...) : "Il y a encore du temps d'ici à mars mais c'est plutôt difficile quand vous venez d'Europe centrale. La F1 s'est internationalisée très rapidement. Avant quand vous étiez Britannique, Italien ou Français, vous aviez une bonne chance. Aujourd'hui, il y a davantage de cockpits qu'avant mais le marché des pilotes est alimenté par davantage de pays : la Russie, l'Inde, le sud-est asiatique et maintenant probablement la Corée et la Chine. Si vous êtes le 8ème Allemand, cela sera très difficile. Regardez la France et l'Italie : il y a 20 ans, il y en avait 10 de chaque. Et aujourd'hui ? Même un grand nom comme Kimi Raikkonen a besoin de sponsors pour avoir son cockpit dans le championnat du monde des rallyes. De plus, les équipes sont sous d'énormes pressions au niveau des coûts."
Mais la question à se poser est de savoir si la situation initiale était si logique ? Comment justifier que l'Allemagne compte six pilotes, soit près d'un quart des pilotes présents sur la grille ? On reproche aux nouvelles épreuves de ne pas avoir beaucoup de spectateurs et peu de culture automobile, mais comment provoquer cette passion sans pilotes locaux derrière qui se fédérer ? Il a d'abord fallu l'arrivée de pilotes locaux (Vitaly Petrov pour la Russie, Karun Chandhok pour l'Inde) avant que ces nouvelles épreuves soient ajoutées au calendrier, après des décennies de discussions.
Une évolution liée à l'économie mondiale
De plus, il me semble que ce changement est plutôt logique et cohérent, même si on peut le regretter en tant qu'Européen. En effet, il suffit de regarder à la carte du calendrier pour se rendre compte que l'Europe est de moins en moins prédominante dans le pourcentage d'épreuves tenues. Ainsi en 1950, il y avait six courses européennes et les 500 miles d'Indianapolis. En 2010, il y a huit épreuves européennes mais autant d'asiatiques tandis qu'il y a deux épreuves sur le continent américain et une en Océanie. La Formule 1 n'a donc pas quitté l'Europe (il y a plus d'épreuves qu'à l'origine) mais a simplement intégré de nouvelles puissances économiques.
Il faut d'ailleurs constater que parmi les grands pays européens, seule la France a perdu son épreuve. Même l'Allemagne et la Belgique sont parvenues à conserver une présence au calendrier. C'est la raison pour laquelle j'approuve totalement le manque de volonté politique pointé récemment par Alain Prost. Si la France souhaitait vraiment conserver une épreuve, elle pourrait le faire. Ainsi Renault parvient à attirer sur ses World Series près de 100.000 personnes à Magny-Cours pour assister à des courses de promotion. Les grands noms de la Formule 1 pourraient donc faire de même, voire mieux s'ils en avaient l'opportunité.
Reste maintenant à s'intéresser aux nouveaux pays inscrits récemment au calendrier. Il ne s'agit que de puissances économiques ayant connu une croissance exceptionnelle ces dernières décennies. Ainsi la presse mondiale s'est faite un malin plaisir à descendre en flèche la prestation proposée par la Corée du Sud pour son premier Grand-Prix. Mais certains membres d'écuries présents sur place ont tout de même notés que la Corée est tout de même la neuvième puissance économique mondiale et que Yeongam n'avait rien à voir avec les prestations proposées par Magny-Cours. Ils sont donc convaincus que l'épreuve s'améliorera grandement dans les années à venir et que les erreurs commises pour cette manche inaugurale seront vite effacées.
A côté d'autres pays ont rendu des copies parfaites dès le début. Ainsi Singapour et Abu Dhabi ont déjà séduit l'ensemble du paddock, grâce à des infrastructures sorties directement des 1001 nuits. La capitale des Emirats Arabes Unis a ainsi mis une trentaine de milliards de dollars sur la table pour son circuit de Yas Marina. Alors forcément quand elles rentrent en Europe, les écuries trouvent que les stands et paddocks proposés par les circuits européens font bien pales figures et doivent donc gérer au mieux l'espace au sein de leurs stands.
Une nécessaire modernisation de l'Europe
La seule issue pour l'Europe est donc d'adopter la voie choisie par Silverstone : la modernisation de ses infrastructures. La Grande-Bretagne s'est ainsi appuyée sur un contrat de longue durée (17 ans) avec Bernie Ecclestone pour amortir ses coûts de rénovation, chiffrés à 27 millions de livres sterling. Il faut d'ailleurs noter que, dans la grande tradition anglo-saxonne, l'Etat n'est pas présent dans le tour de table puisque l'épreuve est intégralement gérée par le BRDC, propriétaire du circuit. Cet exemple est donc la preuve qu'il est possible de maintenir sa place si l'on s'en donne les moyens.
Ce qui est vrai en Formule 1 est vrai pour les autres secteurs de l'économie : si l'Europe ne met pas en place les dépenses dans les domaines nécessaires (l'éducation, la recherche...), elle se réveillera un jour largement dépassée par l'Asie. Et ce jour, il sera trop tard...