Bluewaters réclame 650 millions de dollars à CVC et Ecclestone
Alors que BayernLB exige déjà 400 millions de dollars à Bernie Ecclestone, le fonds d'investissements Bluewaters vient de porter plainte à New York contre CVC, Bernie Ecclestone, Gehrard Grikowsky et BayernLB. Il réclame à son tour 650 millions de dollars de dommages et intérêt.
Une nouvelle fois, cette nouvelle plainte judiciaire a pour objet la fameuse vente de la Formule 1 faite par BayernLB à CVC en 2005. En effet, Bluewaters estime qu'il a fait l'offre la plus élevée pour les actions détenues par la banque allemande, d'autant plus qu'il avait indiqué dans son offre écrite qu'il verserait 10% de plus que n'importe quel autre candidat à ce rachat.
Pour comprendre cet imbroglio, il faut remonter à 2001 lorsque le magnat allemand des médias Leo Kirch a acquis 75% de la firme Speed Investments, qui contrôlait la F1 et ses affiliés. Afin de réunir les fonds nécessaires à une telle transaction, il a placé ces actions en garantie auprès des trois banques prêteuses, Lehman Brothers, J.P. Morgan et BayernLB, réunies pour l'occasion au sein du consortium Bank Group.
Lorsque le groupe de Leo Kirch fit faillite en 2002, Bank Group se retrouva donc en possession de ces 75%, aux côtés du fonds familial de Bernie Ecclestone, Bambino. Cependant, Bernie Ecclestone était et souhaitait rester le directeur de la F1, l'oeuvre de sa vie. Cela conduisit donc le consortium bancaire à être dans la situation improbable de détenir la majorité des actions de la F1 mais de ne pas pouvoir en exercer la direction opérationnelle. La bataille se déplaça donc sur le terrain judiciaire, avec à la clé, une victoire accordée en décembre 2004 par les tribunaux à Bank Group.
C'est à ce moment que les deux banques américains de Bank Group ont approché Bluewaters en vue d'une cession des actions détenues par Bank Group dans Speed Investments. De longs mois de négociations s'en sont alors suivis. Une première étape a été franchie le 13 avril 2005 lorsque Bluewaters a soumis une lettre d'offre pour acheter l'intégralité des parts de BayernLB dans la F1, soit 46,65%. Huit jours plus tard, BayernLB fit une réponse écrite avec un certain nombre d'exigences pour mener à bien cette transaction.
Le 29 juin 2005, Bluewaters a envoyé une nouvelle lettre à BayernLB répondant aux exigences de la banque allemande. Afin de montrer le sérieux de son attitude, il y a joint la copie des accords de financements contractés avec les fonds de private equity Apollo et King Street, qui apportaient chacun 500 millions de dollars à l'opération.
Mais c'est le 4 octobre 2005 que John Gregg envoya un e-mail à Gehrard Gribkowsky dans lequel il déclarait que Bluewaters faisait une offre d'un milliard de dollars pour racheter les 75% que détenaient les trois banques. Afin de ne pas se faire souffler cette affaire par un concurrent, il affirmait même qu'il était prêt à payer de 10% de plus que n'importe quelle autre candidat au rachat. Cependant, sans réponse de la part de Gehrard Gribkowsky, il réitéra son offre le 15 novembre 2005.
Cela fut peine perdue puisque la banque allemande et CVC publiaient un communiqué de presse commun le 25 novembre 2005 annonçant que le fonds d'investissements rachetait les parts de BayernLB pour 831 millions de dollars. Le 2 décembre 2005, c'était au tour de J.P. Morgan d'accepter une offre de CVC, pour la somme de 210 millions de dollars. Lehman Brothers suivit la même tendant deux semaines plus tard, ce qui se traduisit par un chèque de 209,250 millions de dollars émis par CVC. Au total, CVC a donc versé 1,250,250 dollars pour racheter les 75% de la F1 détenus par Bank Group, soit 25% de plus que ce que proposait Bluewaters alors que Bluewaters affirme dans sa plainte que Gehrard Gribkowsky a agi de manière inverse aux intérêts de son entreprise puisqu'il aurait accepté une offre inférieure à celle qu'il proposait.
Bernie Ecclestone est également nommé dans cette plainte de par le fait qu'il a reconnu lors du procès de Gehrard Gribkowsky qu'il avait versé 44 millions de dollars au responsable de BayernLB, officiellement pour que celui-ci ne fasse pas de fausses déclarations auprès du fisc britannique qui auraient pu coûter des milliards de dollars à Bernie Ecclestone. Bluewaters affirme dans sa plainte que Bernie Ecclestone voyait d'un mauvais oeil qu'Apollo participe à l'opération de rachats, de par sa réputation d'intervenir en profondeur dans la gestion des entreprises qu'il rachète. C'est pourquoi il aurait préféré que ce soit CVC qui devienne son nouvel actionnaire majoritaire. Bluewaters veut pour preuve que le versement de 44 millions de dollars a été effectué à GG Consulting le 25 novembre 2005, soit exactement le jour de l'annonce publique du rachat par CVC.
Bluewaters estime avoir été lésé par les agissements des différents intervenants, surtout à la vue des deux dividendes d'un milliard de dollars que s'est versé CVC en 2007 et 2012 et la perspective d'une introduction en bourse qui valorise la F1 à dix milliards de dollars, après la cession de 21% de la F1 pour 1,6 milliard de dollars et une autre de 5,5% pour 500 millions de dollars supplémentaires. Bluewaters valorise ainsi son manque à gagner à au moins 650 millions de dollars, somme qu'il espère récupérer devant les tribunaux new-yorkais.
Néanmoins, il y a de fortes chances que la bataille judiciaire durera de nombreux mois, voire années étant donnée l'étendue des enjeux financiers.